Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/492

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listes qui ouvrent une ère nouvelle, prophétisent un monde nouveau, celui de l’émancipation universelle. Non, prenez les chansons des patriotes bourgeois, à commencer par l’hymne pangermanique d’Arndt. Quel est le sentiment qui y domine ? Est-ce l’amour de la liberté ? Non, c’est celui de la grandeur et de la puissance nationales : « Où est la patrie allemande ? » demande-t-il. — Réponse : « Aussi loin que résonne la langue allemande. » La liberté n’inspire que très médiocrement ces chanteurs du patriotisme allemand. On dirait qu’ils n’en font mention que par décence. Leur enthousiasme sérieux et sincère appartient à la seule unité. Et aujourd’hui même, de quels arguments se servent-ils pour prouver aux habitants de l’Alsace et de la Lorraine, qui ont été baptisés Français par la Révolution et qui, dans ce moment de crise si terrible pour eux, se sentent plus passionnément Français que jamais, qu’ils sont Allemands et qu’ils doivent redevenir des Allemands ? Leur promettent-ils la liberté, l’émancipation du travail, une grande prospérité matérielle, un noble et large développement humain ? Non, rien de tout cela. Ces arguments les touchent si peu eux-mêmes, qu’ils ne comprennent pas qu’ils puissent toucher les autres. D’ailleurs ils n’oseraient pas pousser si loin le mensonge, dans un temps de publicité où le mensonge devient si difficile, sinon impossible. Ils savent, et tout le monde sait, qu’aucune de ces belles choses n’existe en Allemagne, et que l’Allemagne ne peut devenir un grand Empire