Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/77

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« Il ne faut pas s’en étonner. L’Allemagne a été de tous temps la vraie patrie du culte de l’autorité quand même, le pays classique de la bureaucratie, de la police et des trahisons gouvernementales ; celui de la servitude à demi volontaire et embellie par des chansons, des discours et des rêves. L’idéal de tous les gouvernements allemands trône à Saint-Pétersbourg.

« Ce dont il faut s’étonner davantage, c’est que la République suisse elle-même se prête aujourd’hui aux exigences de la police russe. Nous avons vu, il y a quelques mois, la scandaleuse affaire de la princesse Obolensky[1]. Il a suffi au gouvernement de Saint-Pétersbourg d’exprimer son désir, pour que les autorités fédérales s’empressassent d’ordonner, et les autorités cantonales d’exécuter, la violation la plus révoltante, la plus cruelle du droit sacré d’une mère, et cela sans aucun jugement, et sans se donner même la peine d’observer aucune de ces formes juridiques qui, dans les pays libres, sont considérées comme les garanties nécessaires de la justice et de la liberté des citoyens, et avec un luxe de brutalité qui pourrait faire envie à la police russe elle-même.

« À cette heure, continuant le même service de complaisance envers le gouvernement de Saint-Pétersbourg, les autorités libérales et démocratiques de la Suisse pourchassent, dit-on, avec le même zèle qui leur a fait brutaliser la princesse Obolensky et expulser l’illustre Mazzini, les « brigands » polonais et russes qui leur sont

  1. L’histoire de l’enlèvement des enfants de la princesse Obolensky est racontée au cours de la brochure Les Ours de Berne et l’Ours de Saint-Pétersbourg, pages 5-8 de l’édition originale (pages 16-20 de la présente réimpression). On trouvera aussi des détails à ce sujet au tome Ier de L’Internationale, Documents et Souvenirs, par James Guillaume, pages 174-175 et 179.