Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/89

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Naturellement cela déplaît beaucoup à la cour de Saint-Pétersbourg. On y parle avec indignation, avec colère de la simplicité démocratique dans laquelle elle élève ses enfants ; on les habille comme des enfants de bourgeois, point de luxe ni dans les appartements, ni dans la table ; point de voiture, point de laquais, pour toute la maison deux servantes, et une table toujours très simple. Enfin, les enfants sont forcés d’étudier du matin au soir et les professeurs sont priés de les traiter en simples mortels. On raconte que la grande-duchesse Marie de Leuchtenberg, sœur de l’empereur, et ci-devant amie de la princesse Obolensky, ne pouvait en parler sans verser des larmes de rage. L’empereur lui-même s’en émeut. À plusieurs reprises, il fait intimer à la princesse Obolensky l’ordre de retourner immédiatement en Russie. Elle s’y refuse. Alors que fait Sa Majesté ? Il ordonne au prince Obolensky, qui, au su de tout le monde, était depuis longtemps séparé de sa femme, de faire valoir ses droits de mari et de père, et d’employer la force pour enlever sinon la mère, au moins les enfants.

Le prince russe ne demandait pas mieux que d’obéir à Sa Majesté. Toute la fortune de la famille appartenait à la princesse, non à lui : une fois elle reléguée dans quelque couvent de la Russie ou bien déclarée émigrée, récalcitrante contre la volonté sacrée de Sa Majesté, on confisquait ses biens, et, comme tuteur naturel de ses enfants, il en devenait l’administrateur. L’affaire était excellente. Mais