Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/97

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pire et grand aristocrate sans doute, puisqu’il met en mouvement toutes les puissances du ciel et de la terre, les évêques, le ministre de France, le Conseil fédéral de notre république, jusqu’aux gendarmes vaudois, pour empêcher son neveu d’épouser Mme Limousin.

Sous l’ancien régime, en France, lorsqu’il fallait sauvegarder l’honneur d’une famille illustre, le ministre mettait à la disposition de cette dernière une lettre de cachet. Un huissier royal, muni de cet instrument terrible, saisissait les délinquants, homme et femme, amant et maîtresse, époux et épouse, et les enterrait séparés dans les oubliettes de la Bastille. Aujourd’hui, nous sommes sous le régime de la liberté officielle, sous le régime de l’hypocrisie. La lettre de cachet s’appelle note diplomatique, et le rôle de l’huissier impérial est rempli par le Conseil fédéral de la république suisse.

Le neveu d’un sénateur de l’empire, un membre indigne de cette puissante et illustre famille Tourangin, épouser Mme Limousin ! Quel horrible scandale ! Et n’y a-t-il pas là de quoi révolter tous les sentiments honnêtes |13 dans les cœurs de nos honnêtes conseillers fédéraux ? D’ailleurs, tous les sénateurs du monde ne sont-ils pas solidaires entre eux ? Le service que la Suisse rend aujourd’hui à un sénateur de l’empire, la France pourra le rendre un jour à un conseiller d’État helvétique. De cette manière, l’honneur des grandes familles de tous les pays sera sauvé, et la mésalliance, cette lèpre qui dévore au-