Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/104

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y en avoir qu’une : ces hommes illustres pensent sans doute que les théories ou les croyances idéalistes sont essentiellement nécessaires à la dignité et à la grandeur morale de l’homme, et que les théories matérialistes, au contraire, le rabaissent au niveau des bêtes.

Et si c’était le contraire qui fût vrai ?

Tout développement, ai-je dit, implique la négation du point de départ. Le point de départ, selon l’école matérialiste, étant matériel, la négation doit être nécessairement idéale. Partant de la totalité du monde réel, ou de ce qu’on appelle abstractivement la matière, elle arrive logiquement à l’idéalisation réelle, c’est-à-dire à l’humanisation, à l’émancipation pleine et entière de la société. Par contre, et par la même raison, le point de départ de l’école idéaliste étant idéal, cette école arrive forcément à la matérialisation de la société, à l’organisation d’un despotisme brutal et d’une exploitation inique et ignoble, sous la forme de l’Église et de l’État. Le développement historique de l’homme, selon l’école matérialiste, est une ascension progressive ; |201 dans le système idéaliste, il ne peut être qu’une chute continue.

Quelque question humaine qu’on veuille considérer, on trouve toujours cette même contradiction essentielle entre les deux écoles. Ainsi, comme je l’ai déjà fait observer, le matérialisme part de l’animalité pour constituer l’humanité ; l’idéalisme part de la divinité pour constituer l’esclavage et condam-