Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/150

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qui étaient également devenus des propriétaires terriens, aspirait à la paix, au rétablissement de l’ordre public, à la fondation d’un gouvernement régulier et puissant. Il acclama donc avec bonheur la dictature du premier Bonaparte, et, quoique toujours voltairien, ne vit pas de mauvais œil son Concordat avec le Pape et le rétablissement de l’Église officielle en France : « La religion est si nécessaire au peuple ! » — ce qui veut dire que, repue, cette partie de la bourgeoisie commença dès lors à comprendre qu’il était urgent, dans l’intérêt de la conservation de sa position et de ses biens acquis, de tromper la faim non assouvie du peuple par les promesses d’une manne céleste. Ce fut alors que commença à prêcher |241 Chateaubriand[1].

Napoléon tomba. La Restauration ramena en France, avec la monarchie légitime, la puissance de l’Église et de l’aristocratie nobiliaire, qui se ressaisirent, sinon du tout, au moins d’une considérable partie de leur ancien pouvoir. Cette réaction rejeta la bourgeoisie dans la Révolution ; et avec l’esprit révolutionnaire se réveilla en elle aussi l’esprit fort.

  1. Je crois utile de rappeler ici une anecdote d’ailleurs très connue et tout à fait authentique, et qui jette une lumière très précieuse tant sur le caractère personnel de ce réchauffeur des croyances catholiques que sur la sincérité religieuse de cette époque. Chateaubriand avait apporté à son libraire un ouvrage dirigé contre la foi. Le libraire lui fit observer que l’athéisme était passé de mode, que le public lisant n’en voulait plus, et qu’il demandait au contraire des ouvrages religieux. Chateaubriand s’éloigna, mais quelques mois plus tard il lui apporta son Génie du Christianisme. (Note de Bakounine.)