Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/183

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les expériences cruelles d’une révolution avortée, elle renonça aux principes exagérés de 1793, et, retournant à ceux de 1789, qui avaient été l’expression fidèle et vraie des vœux populaires, et non d’une secte, d’un parti, et qui contenaient en effet toutes les conditions d’une liberté, sage, raisonnable, pratique (c’est-à-dire exclusivement bourgeoise, tout au profit de la bourgeoisie et au détriment du peuple, ce mot de « pratique », dans la bouche des bourgeois, ne signifiant jamais autre chose), elle les rendit encore plus pratiques, en éliminant tout ce que la philosophie du dix-huitième siècle y avait introduit de trop vague (c’est-à-dire de trop démocratique, de trop populaire et de trop humainement large), et en les |270 modifiant (c’est-à-dire en les rétrécissant) selon les besoins et les conditions nouvelles de l’époque. De cette manière elle créa définitivement la théorie du droit constitutionnel, dont Montesquieu, Necker, Mirabeau, Mounier, Duport, Barnave, et tant d’autres, avaient été les premiers apôtres, et dont Mme de Staël et Benjamin Constant devinrent, sous l’Empire, les propagateurs nouveaux.

Lorsque la monarchie légitime, ramenée en France par la chute de Napoléon, voulut restaurer l’ancien régime, elle rencontra l’opposition à la fois réfléchie et puissante de la classe bourgeoise qui, sachant désormais ce qu’elle voulait, et forte de sa modération même, défendit contre elle, pas à pas, les conquêtes immortelles et légitimes de la Révolution, l’indépendance de la société civile contre les prétentions sau-