Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/222

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produits de leurs travailleurs, et par conséquent aussi à acheter leur travail, au plus bas prix possible, reproduit constamment et consolide la misère du prolétariat. Étant misérable, l’ouvrier doit vendre son travail presque pour rien, et, parce qu’il le vend presque pour rien, il devient de plus en plus misérable.

Oui, plus misérable, vraiment ! Car dans ce travail de forçat, les forces productives de l’ouvrier, abusivement appliquées, impitoyablement exploitées, excessivement dépensées et fort mal nourries, s’usent vite ; et une fois qu’elles se sont usées, que vaut sur le marché son travail, que vaut cette unique marchandise qu’il possède et dont la vente journalière le fait vivre ? Rien ; et alors ? Alors il ne lui reste plus rien qu’à mourir.

Quel est, dans un pays donné, le plus bas salaire possible ? C’est le prix de ce qui est considéré par les prolétaires de ce pays comme absolument nécessaire pour l’entretien d’un homme. Les économistes bourgeois de tous les pays sont d’accord sur ce point.

Turgot, celui qu’on est convenu d’appeler le vertueux ministre de Louis XVI, et qui était réellement |92 un homme de bien, dit :

« Le simple ouvrier qui n’a que ses bras, n’a rien qu’autant qu’il parvient à vendre à d’autres sa peine. Il la vend plus ou moins cher ; mais ce prix, plus ou moins haut, ne dépend pas de lui seul : il dépend de l’accord qu’il fait avec celui qui paie son travail. Celui-ci le paie le moins cher qu’il peut ; comme il a le choix entre un grand nombre d’ouvriers, il pré-