Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/227

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouvoir administratif en mes mains, ce n’est point du tout pour l’utilité de la production, c’est pour ma propre utilité, pour celle de l’exploitation. Comme maître absolu de mon établissement, je perçois pour ma journée de travail dix, vingt, et, si je suis un grand industriel, souvent cent fois plus que mon ouvrier n’en perçoit pour la sienne, malgré que mon travail soit, sans comparaison, moins pénible que le sien.

Mais le capitaliste, le chef d’un établissement, court des risques, dit-on, tandis que l’ouvrier n’en court aucun. Ce n’est pas vrai, car, même à ce point de vue, tous les désavantages sont du côté de l’ouvrier. Le chef d’un établissement peut mal conduire ses affaires, être tué par la concurrence, ou bien devenir la victime d’une grande crise commerciale ou d’une |96 catastrophe imprévue ; en un mot, il peut se ruiner. C’est vrai. Mais, voyons, avez-vous vu des industriels bourgeois se ruiner et se voir réduits à un tel point de misère, qu’eux et les leurs meurent de faim, ou bien se voient forcés de descendre à l’état de manœuvre, à l’état d’ouvrier ? Cela n’arrive presque jamais, on pourrait même dire jamais. D’abord, il est rare que l’industriel ne conserve pas quelque chose, quelque ruiné qu’il paraisse. Par le temps qui court, toutes les banqueroutes sont plus ou moins frauduleuses. Mais si même il n’a absolument rien conservé, il lui reste toujours ses alliances de famille, ses rapports sociaux, qui, à l’aide de l’instruction que son capital perdu lui avait permis d’acquérir et de donner à ses enfants, lui permettent de les