Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/303

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

hardis et sympathiques penseurs de nos jours, Ludwig Feuerbach, l’homme fait tout ce que les animaux font, seulement il est appelé à le faire — et, grâce à cette faculté si étendue de penser, grâce à cette puissance d’abstraction qui le distingue des animaux de toutes les autres espèces, il est forcé de le faire — de plus en plus humainement. C’est toute la différence, mais elle est énorme. Elle contient en germe toute notre civilisation, avec toutes les merveilles de l’industrie, de la science et des arts ; avec tous ses développements religieux, philosophiques, esthétiques, politiques, économiques et sociaux, — en un mot tout le monde de l’histoire.

Tout ce qui vit, ai-je dit, poussé par une fatalité qui lui est inhérente et qui se manifeste en chaque être comme un ensemble de facultés ou de propriétés, tend à se réaliser dans la plénitude de son être. L’homme, être pensant en même temps que vivant, pour se réaliser dans cette plénitude, doit se connaître. C’est la cause de l’immense retard que nous trouvons dans son développement, et ce qui fait que, pour arriver à l’état actuel de la civilisation dans les pays les plus avancés, état encore si peu conforme à l’idéal vers lequel nous tendons aujourd’hui, il lui a fallu je ne sais combien de dizaines ou de centaines de siècles. On dirait que dans sa recherche de lui-même, à travers toutes ses pérégrinations et transformations historiques, il a dû d’abord épuiser toutes les brutalités, toutes |154 les iniquités et tous les malheurs possibles, pour réaliser