Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/338

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L’homme n’a pu arriver à ce point, ai-je dit, qu’après une longue série de siècles. Sa faculté abstractive, sa raison, s’est déjà fortifiée et développée par la connaissance pratique des choses et par l’observation de leurs rapports ou de leur causalité mutuelle, tandis que le retour régulier des mêmes phénomènes lui a donné la première notion de quelques lois naturelles. Il commence à s’inquiéter de l’ensemble des faits et de leurs causes. En même temps, il commence aussi à se connaître lui-même, et grâce toujours à cette puissance d’abstraction qui lui permet de se considérer lui-même comme objet, il sépare son être extérieur et vivant de son être pensant, son extérieur de son intérieur, son corps de son âme ; et, comme il n’a pas la moindre idée des sciences naturelles ci comme il ignore jusqu’au nom de ces sciences, d’ailleurs toutes modernes, qui s’appellent la physiologie et l’anthropologie, il est tout ébloui de cette découverte de son propre esprit en lui-même, et s’imagine naturellement, nécessairement, que son âme, ce produit de son corps, en est au contraire le principe et la cause. Mais une fois qu’il a fait cette distinction de l’Intérieur et de l’Extérieur, du spirituel et du matériel en lui-même, il la transporte tout aussi nécessairement dans son Dieu : il commence à chercher l’âme invisible de ce visible Univers. C’est ainsi qu’a dû naître le panthéisme religieux des Indiens.

Nous devons nous arrêter sur ce point, car c’est ici que commence proprement la religion dans la