Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/344

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d’une préoccupation idéaliste quelconque. Le témoignage de ces hommes, au moins en tant qu’il concerne des objets qui touchent de près à leur monomanie, doit être également repoussé, parce qu’ils ont le malheur de prendre toujours des vessies pour des lanternes. Mais si un homme réunit à une grande intelligence réaliste, développée et duement préparée par la science, l’avantage d’être en même temps un chercheur scrupuleux et zélé de la réalité des choses, son témoignage devient précieux.

Et encore ne dois-je jamais l’accepter sans critique. En quoi consiste cette critique ? Dans la comparaison des choses qu’il m’affirme avec les résultats de ma propre expérience personnelle. Si son témoignage s’harmonise avec elle, je n’ai aucune raison de le rejeter et je l’accepte comme une nouvelle confirmation de ce que j’ai reconnu moi-même ; mais s’il lui est contraire, dois-je le repousser sans m’enquérir qui de nous deux a raison, lui ou moi ? Pas du tout. Je sais par expérience que mon expérience des choses peut être fautive. Je compare donc ses résultats avec les miens, et je les soumets à une observation et à des expériences nouvelles. Au besoin, j’en appelle à l’arbitrage et aux expériences d’un troisième et de beaucoup d’autres observateurs, dont le caractère scientifique sérieux m’inspire confiance, et je parviens, non sans grande peine quelquefois, par la modification soit de mes résultats, soit des siens, à une conviction commune. Mais en quoi consiste l’expérience de chacun ? Dans le témoignage de