Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/383

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l’odorat et le goût, amenés, par un prodige de patience merveilleuse et rien qu’à l’aide du premier de ces sens, à comprendre ce qu’on leur dit par des signes tracés sur le creux de leur main, et à exprimer par écrit leurs pensées sur une quantité de choses qu’on ne saurait comprendre sans avoir une intelligence déjà passablement développée. Mais comprendre ce qu’aucun de nos sens ne peut seulement effleurer, et ce qui en effet n’existe pas pour nous comme être réel, voilà ce qui est réellement impossible, et ce contre quoi il serait aussi ridicule qu’inutile de se révolter.

Et encore, peut-on dire d’une manière aussi absolue que ces mondes n’existent en aucune manière pour nous ? Sans parler de l’obsession continuelle que cette immensité de mondes inconnus exerce sur notre esprit, action reconnue et si éloquemment exprimée par M. Littré lui-même, et qui certainement constitue un rapport réel puisque l’esprit de l’homme, en tant que produit, manifestation ou fonction du corps humain, est lui-même un être réel, pouvons-nous admettre que notre univers visible, ces milliers d’étoiles qui brillent à notre firmament, reste en dehors de toute solidarité et de tout rapport d’action mutuelle avec l’immense univers infini et pour nous invisible ? Dans ce cas, nous devrions considérer notre univers comme restreint, comme portant sa cause en lui-même, comme l’absolu ; mais absolu et limité en même temps est une contradiction, un non-sens par trop évident pour