Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/136

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et M. Crémieux sans doute avec eux, se félicitaient au fond de leurs âmes de se voir débarrassés de M. Rochefort, qu’à tort ou à raison ils considéraient comme révolutionnaire, eux qui ne l’étaient point du tout, et qui, les uns en vertu de leurs antécédents, les autres par tempérament, haïssaient la révolution autant qu’ils la redoutaient, non pour la France, mais pour eux-mêmes.

Le peuple de Paris ne la redoutait pas du tout. Au contraire, il la voulait ; et c’est pour cela qu’il délivra M. Rochefort, et qu’il le plaça par sa volonté souveraine dans ce gouvernement qui, se rendant justice et comprenant alors sa position et sa mission mieux qu’il ne les comprend à présent, s’intitula lui-même non le gouvernement politique de la France, mais seulement le « gouvernement de la Défense nationale ».

De tous les membres de ce gouvernement, il n’y en eut donc qu’un seul qui pût être considéré comme l’élu direct et réel du peuple de Paris. Ce fut M. Rochefort. Tous les autres, à l’exception du général Trochu, qui fut chaleureusement acclamé non comme homme politique, mais comme le défenseur militaire de Paris, tombèrent dans ce gouvernement par un concours de circonstances, sans y avoir été mis par personne. Profitant du vide fait par la fuite des bonapartistes, ils s’y placèrent et se partagèrent les emplois. Le peuple les laissa faire, et voilà tout. Ce fut une usurpation, légitime s’ils sauvent |31 la France, criminelle si, par leur inca-