Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/189

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|77 Telle fut la cause du triomphe inouï et fatal de Louis Bonaparte en 1848. M. Thiers et M. Jules Favre doivent bien le savoir, puisqu’ils y ont contribué plus que personne. Tel est encore aujourd’hui le secret des triomphes non moins inouïs et fatals du roi de Prusse. M. de Bismarck le sait aussi bien que MM. Jules Favre et Thiers, et c’est pour cela même qu’il croit jouer à coup sûr. Il compte principalement sur la lâcheté intéressée et sur la trahison latente de la bourgeoisie française ; et il espère, non sans une grande apparence de raison, que même les membres du gouvernement de la Défense nationale sont trop bourgeois eux-mêmes et trop intéressés à la conservation des privilèges économiques de la classe possédante, pour opposer jamais à l’invasion la seule chose qui puisse l’arrêter, l’écraser, la Révolution sociale.

Rien de plus comique et de plus singulier que les arguments dont la presse radicale, les feuilles les plus républicaines de la bourgeoisie, se servent pour prêcher au peuple des travailleurs la patience, la résignation et la renonciation : « Voyez-vous, — disent ces républicains et ces patriotes enthousiastes, rédacteurs salariés de la presse bourgeoise, — nous connaissons fort bien les sentiments de cette classe respectable, dont nous sommes nous-mêmes les représentants si fidèles. Son républicanisme et son patriotisme, si même républicanisme et patriotisme il y a, ne sont qu’à la surface. Ses préoccupations sérieuses, son intérêt suprême,