Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/230

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privilégiée, est puissant par sa richesse, par son instruction supérieure, aussi bien que par l’organisation formidable des États qui ne sont constitués que pour le protéger ; mais, vieux, décrépit, profondément corrompu, privé d’âme, il n’existe plus que par cette organisation mécanique de ses ressources matérielles, et par là même est condamné à périr. L’autre, représentant l’émancipation du travail du joug du capital bourgeois, et l’émancipation de l’homme du joug des États, est assez faible encore, il est vrai, au point de vue de son organisation, mais puissant par le nombre, plus puissant encore par la justice de sa cause ; véritable représentant de l’humanité, il aspire et parviendra à renverser l’autre, se sentant la mission d’établir sur ses ruines un ordre nouveau, sans autre principe que celui de la liberté la plus absolue, sans autre base que celle de la plus complète égalité. Entre ces deux mondes réels et puissants, dont l’un se prépare, sans doute bien malgré lui, à mourir, dont l’autre s’apprête à tout conquérir, les républicains radicaux de l’école de M. Gambetta, idéalistes et doctrinaires impuissants, enfants abâtardis de la révolution bourgeoise du siècle passé, errent comme des fantômes dépaysés et inquiets, incapables de prendre une « résolution virile[1] », et d’embrasser franchement l’un ou l’autre parti, de sorte que la réalité et la vie leur échappent. Jetant au vent leurs

  1. Expression favorite de M. Gambetta. (Note de Bakounine.)