Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/313

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ridicules sauvaient en quelque sorte les apparences. N’était-il pas préférable de pouvoir appeler son gendre comte, marquis, vicomte ou baron, que de l’appeler tout court Monsieur Jourdain ? Ensuite il y avait une utilité sociale évidente dans ces mascarades bouffonnes. Noblesse oblige. Un bourgeois qui s’affuble d’un titre qui ne lui appartient pas doit garder le décorum, doit se donner au moins l’apparence d’un homme bien né et bien élevé ; il doit afficher des sentiments aristocratiques, mépriser la canaille, faire de la sentimentalité religieuse et aller régulièrement à la messe.

La vente des biens nationaux et plus tard les transactions foncières avaient fait tomber beaucoup de grandes propriétés entre les mains des bourgeois. Si tous ces bourgeois propriétaires eussent continué de faire bande à part, si, transportant leurs mœurs et leurs opinions voltairiennes et libérales dans les campagnes, ils y eussent continué leur lutte acharnée contre la noblesse et contre l’Église, c’en eût été fait de l’influence de celles-ci sur les paysans. Il fallait donc absolument se les assimiler, et, pour cela, il n’y avait pas de meilleur moyen que de les laisser s’anoblir et se travestir en descendants des Croisés. Ce |15 moyen était infaillible, parce qu’il était calculé principalement sur la vanité, passion qui, après la cupidité, occupe la place la plus considérable dans le cœur des bourgeois ; la cupidité représentant leur être réel, que la vanité cherche vainement à masquer sous de fausses