Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/325

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d’imprimer si profondément cette science falsifiée dans la mémoire, dans l’imagination, dans la routine intellectuelle de ces malheureux cerveaux dévoyés, qu’il faudrait à ceux-ci une puissance d’esprit vraiment extraordinaire pour pouvoir s’en délivrer plus tard. Ceux qui y parviennent, en effet, sont excessivement rares. La plupart des meilleurs élèves des Jésuites restent des sots savants toute leur vie, et l’immense majorité ne conserve que l’esprit nécessaire pour exécuter fidèlement, aveuglément, les ordres de leurs directeurs spirituels.

Ce que les Jésuites s’empressent de tuer avant tout dans leurs élèves, c’est l’esprit critique ; mais par contre ils cultivent en eux avec soin la crédulité stupide et la soumission paresseuse et servile de l’esprit ; et pour les sauvegarder à jamais contre les tentations du démon, ils les arment d’un parti pris qui se transforme à la longue en une salutaire habitude de détourner sciemment, volontairement leur pensée de tout ce qui pourrait ébranler leur foi ; tout ce qui est contraire à la foi, si plausible et si naturel qu’il paraisse, ne pouvant être qu’une suggestion |26 de l’enfer. Je m’empresse d’ajouter que la plus grande partie de leurs élèves n’ont pas besoin d’employer ce moyen, étant beaucoup mieux garantis contre toutes les tentations du démon par l’indifférence et par la soumission paresseuse de leur esprit systématiquement énervé.

On conçoit que, grâce à cette éducation, les gentilshommes de campagne soient devenus des cham-