Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/489

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État dit un État, et qui dit un État affirme par là l’existence de plusieurs États, et qui dit plusieurs États dit immédiatement concurrence, jalousie, guerre sans trêve et sans fin. La plus simple logique aussi bien que toute l’histoire en font foi.

Il est dans la nature de l’État de rompre la solidarité humaine et de nier en quelque sorte l’humanité. L’État ne peut se conserver comme tel dans son intégrité et dans toute sa force que s’il se pose comme le but suprême, absolu, au moins pour ses propres citoyens, ou, pour parler plus franchement, pour ses propres sujets, ne pouvant pas s’imposer comme tel aux sujets des autres États. De là résulte inévitablement une rupture avec la morale humaine en tant qu’universelle, avec la raison universelle, par la naissance de la morale de l’État et d’une raison d’État. Le principe de la morale politique ou d’État est très simple. L’État étant le but suprême, tout ce qui est favorable au développement de sa puissance est bon ; tout ce qui lui est contraire, fût-ce la chose la plus humaine du monde, est mauvais. Cette morale s’appelle le patriotisme. L’Internationale, comme nous l’avons vu, est la négation du patriotisme, et par conséquent la négation de l’État. Si donc M. Marx et ses amis du Parti de la démocratie socialiste allemande pouvaient réussir à introduire le principe de l’État dans notre programme, ils tueraient l’Internationale.

L’État, pour sa conservation, doit être nécessairement puissant au dehors ; mais s’il l’est au dehors,