Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/504

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du commerce maritime au moins, même derrière la Hollande[1].

Donc, pendant trois siècles, même sous le rapport économique, |61 elle resta à peu près stationnaire, aussi pauvre d’esprit que de richesses matérielles. Il en était résulté une sorte de vertu relative ou plutôt négative, connue sous le nom proverbial d’honnêteté allemande ; on l’avait attribuée à tort à je ne sais quelle force morale, inhérente, croyait-on, au caractère de la nation, tandis que cette vertu n’était rien que le produit naturel de cette double pauvreté de la bourse et de l’esprit. Et pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir avec quelle rapidité cette honnêteté allemande tant vantée s’évapore aujourd’hui sous le souffle dépravateur et puissant de la grande spéculation banquière, des grandes transactions commerciales et de la grande industrie.

Cette honnêteté n’était donc pas une force morale, mais le produit de la médiocrité tant matérielle qu’intellectuelle. C’était l’habitude des pauvres de vivre de peu et de ne connaître que très peu de besoins, de traîner toute leur existence en dehors des grandes passions, des grandes jouissances et des grandes tentations tant de la pensée que de la vie. Se contenter de peu, voilà en quoi consista toute cette vertu, — une vertu négative s’il en fut, — et ne chercher des compensations et des consolations que dans la contemplation religieuse et dans la

  1. Il est inutile de rappeler que, depuis le moment où Bakounine écrivait, les choses ont bien changé. — J. G.