Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/507

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moins que, par pitié pour tant de misère, on ne veuille considérer comme des signes de développement intellectuel et moral les vagissements maladifs et sentimentaux du piétisme[1], ou bien les extravagances théosophiques d’un Jacob Bœhme[2]. La langue allemande elle-même, dont s’était si magnifiquement servi Luther, était retombée en désuétude : c’était la langue de la Bible, des cantiques et des traités religieux ; la science dédaignait de s’en servir, et il n’y avait proprement pas de littérature. Leibnitz, l’un des plus remarquables esprits du dix-septième siècle, écrivit presque toujours en français ou en latin. Dans les universités, les sciences ne s’enseignaient qu’en latin.

Et quelles sciences ! Quels étranges professeurs ! La théologie orthodoxe luthérienne y dominait tout. Après elle venait le droit, l’une et l’autre prêchant le pouvoir absolu du souverain et le devoir non moins absolu de l’obéissance passive des sujets. C’était le culte théorique de l’État, base et condition préalable du culte pratique qui avait fait de l’Allemagne ce qu’elle était : la patrie des despotes et celle des esclaves volontaires, des laquais. Les professeurs, pédants, ridicules, absurdes, lâches et ignobles comme des laquais, à genoux devant toutes les autorités, vendus d’avance et voués corps et âme au service de tous les pouvoirs, qu’ils adulaient en vers

  1. Spener, le fondateur du piétisme, est mort en 1705. — J. G.
  2. Jacob Bœhme est mort en 1624. — J. G.