Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/509

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se résumait pour lui dans la personne du prince.

Toute la science du bureaucrate consistait en ceci : Maintenir l’ordre public et l’obéissance des sujets, et leur soutirer autant d’argent que possible pour le trésor du souverain, sans les ruiner complètement et sans les pousser par le désespoir à la révolte ; danger qui d’ailleurs n’était pas excessivement grand, l’Allemagne étant, alors au moins sinon aujourd’hui, le pays classique de la soumission, de la patience et de la résignation aussi bien que de l’honnêteté.

On peut s’imaginer quel dut être l’esprit de cette honnête bureaucratie allemande, qui, ne reconnaissant, après Dieu, d’autre objet de culte que cette terrible abstraction de l’État personnifiée dans le prince, lui immolait consciencieusement, impitoyablement tout. Brutus nouveau, en bonnet de coton et sa pipe pendante à la bouche, chaque fonctionnaire allemand était capable de sacrifier ses propres enfants à ce qu’il appelait, lui, la raison, la justice, le droit suprême de l’État.

A côté de ces honnêtes « philistins » de la bureaucratie, il y avait les roués, les coquins patentés et titrés de la diplomatie. La bureaucratie[1], on peut le dire, est née et s’est développée principalement en Allemagne, y est devenue à la fois une science, un art et un culte. Mais c’est l’Italie qui

  1. Par « bureaucratie », Bakounine entend, cette tois, non pas comme tout à l’heure la classe des bureaucrates, mais, conformément à l’étymologie, la domination des bureaucrates, le gouvernement d’un pays par la classe bureaucratique. — J. G.