Page:Bakounine - Œuvres t5.djvu/137

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beaucoup d’hommes associés et bien organisés. Ce que dans l’industrie on appelle actuellement travail individuel n’est pas autre chose que l’exploitation du travail collectif des ouvriers par des individus, détenteurs privilégiés soit du capital, soit de la science. Mais du moment que cette exploitation cessera, — et les bourgeois socialistes assurent au moins qu’ils en veulent la fin, aussi bien que nous, — il ne pourra plus y avoir dans l’industrie d’autre travail que le travail collectif, ni par conséquent aussi d’autre propriété que la propriété collective.

Le travail individuel ne restera donc plus possible que dans la production intellectuelle, dans les travaux de l’esprit. Et encore ! L’esprit du plus grand génie de la terre n’est-il point toujours rien d’autre que le produit du travail collectif, intellectuel aussi bien qu’industriel, de toutes les générations passées et présentes ? Pour s’en convaincre, qu’on s’imagine ce même génie, transporté dès sa plus tendre enfance dans une île déserte ; en supposant qu’il n’y périsse pas de faim, que deviendra-t-il ? Une bête, une brute qui ne saura pas même prononcer une parole, et qui par conséquent n’aura jamais pensé ; transportez-le dans cette île à l’âge de dix ans, que sera-t-il quelques années plus tard ? Encore une brute, qui aura perdu l’habitude de la parole et qui n’aura conservé de son humanité passée qu’un vague instinct. Transportez-l’y enfin à l’âge de vingt ans, de trente ans, — à dix, quinze, vingt années de dis-