Page:Bakounine - Œuvres t5.djvu/151

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conséquent elle est naturellement plus puissante que l’intelligence bourgeoise ; mais, par contre, cette dernière a pour elle toutes les armes de la science, et ces armes sont formidables. Il arrive très souvent qu’un ouvrier fort intelligent est forcé de se taire devant un sot savant qui le bat, non par l’esprit, qu’il n’a pas, mais par l’instruction, dont l’ouvrier est privé, et qu’il a pu recevoir, lui, parce que, pendant que sa sottise se développait scientifiquement dans les écoles, le travail de l’ouvrier l’habillait, le logeait, le nourrissait et lui fournissait toutes les choses, maîtres et livres, nécessaires à son instruction.

Le degré de science réparti à chacun n’est point égal même dans la classe bourgeoise, nous le savons fort bien. Là aussi il y a une échelle déterminée non par la capacité des individus, mais par le plus ou moins de richesse de la couche sociale dans laquelle ils ont pris naissance : par exemple, l’instruction que reçoivent les enfants de la très petite bourgeoisie, très peu supérieure à celle que les ouvriers parviennent à se donner à eux-mêmes, est presque nulle en comparaison de celle que la société donne largement à la haute et moyenne bourgeoisie. Aussi que voyons-nous ? La petite bourgeoisie, qui n’est actuellement rattachée à la classe moyenne que par une vanité ridicule d’un côté, et, de l’autre, par la dépendance où elle est des gros capitalistes, se trouve pour la plupart du temps dans une situation plus misérable et bien plus humiliante encore que le prolétariat. Aussi, quand nous parlons de classes