Page:Bakounine - Œuvres t5.djvu/164

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populaire de sa force collective le moyen de rendre ces grands génies moins nécessaires, moins écrasants et plus réellement bienfaisants pour tout le monde. Car il ne faut jamais oublier le mot profond de Voltaire : « Il y a quelqu’un qui a plus d’esprit que les plus grands génies, c’est tout le monde ». Il ne s’agit donc plus que d’organiser ce tout le monde par la plus grande liberté fondée sur la plus complète égalité, économique, politique et sociale, pour qu’il n’ait plus rien à craindre des velléités dictatriales et de l’ambition despotique des hommes de génie.

Quant à produire des hommes de génie par l’éducation, il ne faut pas y penser. D’ailleurs, de tous les hommes de génie connus, aucun ou presque aucun ne s’est manifesté comme tel dans son enfance, ni dans son adolescence, ni même dans sa première jeunesse. Il ne se sont montrés tels que dans la maturité de leur âge, et plusieurs n’ont été reconnus qu’après leur mort, tandis que beaucoup de grands hommes manqués, qui avaient été proclamés pendant leur jeunesse pour des hommes supérieurs, ont fini leur carrière dans la plus complète nullité. Ce n’est donc jamais dans l’enfance, ni même dans l’adolescence, qu’on peut déterminer les supériorités et les infériorités relatives des hommes, ni le degré de leurs capacités, ni leurs penchants naturels. Toutes ces choses ne se manifestent et ne se déterminent que par le développement des individus, et, comme il y a des natures précoces et