Page:Bakounine - Œuvres t5.djvu/173

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une période de dix, de vingt, de trente ans, et quelquefois davantage, si aucune crise politique et sociale n’est venue changer les dispositions de la société, le même crime ou le même délit se reproduit chaque année, à peu de chose près, dans la même proportion ; et ce qui est encore plus remarquable, c’est que le mode de leur perpétration se reproduit presque le même nombre de fois dans une année que dans l’autre : par exemple, le nombre des empoisonnements, des homicides par le fer ou par les armes à feu, aussi bien que le nombre des suicides par tel ou tel autre moyen, sont presque toujours les mêmes. Ce qui a fait dire au célèbre statisticien belge Quetelet ces paroles mémorables : « La société prépare les crimes et les individus ne font que les exécuter ».

Ce retour périodique des mêmes faits sociaux n’aurait pu avoir lieu, si les dispositions intellectuelles et morales des hommes, aussi bien que les actes de leur volonté, avaient pour source le libre arbitre. Ou bien ce mot de libre arbitre n’a pas de sens, ou bien il signifie que l’individu humain se détermine spontanément, par lui-même, en dehors de toute influence extérieure, soit naturelle, soit sociale. Mais s’il en était ainsi, tous les hommes ne procédant que d’eux-mêmes, il y aurait dans le monde la plus grande anarchie ; toute solidarité entre eux deviendrait impossible, et tous ces millions de volontés absolument indépendantes les unes des autres, et se heurtant les unes contre les autres,