Page:Bakounine - Œuvres t5.djvu/192

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geoise, solidairement avec leurs camarades de misère, que de devenir des exploiteurs à leur tour. Ceux-là ont pas besoin d’être convertis ; ils sont des socialistes purs.

Nous parlons de la grande masse ouvrière qui, éreintée par son travail quotidien, est ignorante et misérable. Celle-là, quels que soient les préjugés politiques et religieux qu’on ait tâché et même réussi en partie de faire prévaloir dans sa conscience, est socialiste sans le savoir ; elle est, au fond de son instinct, et par la force même de sa position, plus sérieusement, plus réellement socialiste, que ne le sont tous les socialistes scientifiques et bourgeois pris ensemble. Elle l’est par toutes les conditions de son existence matérielle, par tous les besoins de son être, tandis que ces derniers ne le sont que par les besoins de leur pensée ; et, dans la vie réelle, les besoins de l’être exercent toujours une puissance bien plus forte que ceux de la pensée, la pensée étant ici, comme partout et toujours, l’expression de l’être, le reflet de ses développements successifs, mais jamais son principe.

Ce qui manque aux ouvriers, ce n’est pas la réalité, la nécessité réelle des aspirations socialistes, c’est seulement la pensée socialiste. Ce que chaque ouvrier réclame dans le fond de son cœur : une existence pleinement humaine en tant que bien-être matériel et développement intellectuel, fondée sur la justice, c’est-à-dire sur l’égalité et sur la liberté de chacun et de tous dans le travail, — ne peut évi-