Page:Bakounine - Œuvres t5.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sance et à l’agrandissement de l’État, c’est le bien ; tout ce qui leur est contraire, fût-ce même l’action la plus vertueuse, la plus noble au point de vue humain, c’est le mal. C’est pourquoi les hommes d’État, les diplomates, les ministres, tous les fonctionnaires de l’État, ont toujours usé de crimes et de mensonges et d’infâmes trahisons pour servir l’État. Du moment qu’une vilenie est commise au service de l’État, elle devient une action méritoire. Telle est la morale de l’État. C’est la négation même de la morale humaine et de l’humanité.

La contradiction réside dans l’idée même de l’État. L’État universel n’ayant jamais pu se réaliser, chaque État est un être restreint comprenant un territoire limité et un nombre plus ou moins restreint de sujets. L’immense majorité de l’espèce humaine reste donc en dehors de chaque État, et l’humanité tout entière est partagée entre une foule d’États grands, moyens ou petits, dont chacun, malgré qu’il n’embrasse qu’une partie très restreinte de l’espèce humaine se proclame et se pose comme le représentant de l’humanité tout entière et comme quelque chose d’absolu. Par là même, tout ce qui reste en dehors |10 de lui, tous les autres États, avec leurs sujets et la propriété de leurs sujets, sont considérés par chaque État comme des être privés de toute sanction, de tout droit, et qu’il a par conséquent celui d’attaquer, de conquérir, de massacrer, de piller, autant que ses moyens et ses forces le lui permettent. Vous savez, chers compagnons,