Page:Bakounine - Œuvres t5.djvu/325

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humaines, et mit en question dieu, les rois, le pape. Elle en voulut surtout à la noblesse, qui occupait dans l’État une place qu’elle brûlait d’impatience d’occuper à son tour. Mais non, je ne veux pas être injuste, et je ne prétends aucunement que, dans ses magnifiques protestations contre la tyrannie divine et humaine, elle n’ait été conduite et poussée que par une pensée égoïste. La force des choses, la nature même de son organisation particulière, l’avaient poussée instinctivement à s’emparer du pouvoir. Mais comme elle n’avait point encore la conscience de l’abîme qui la sépare réellement des masses ouvrières qu’elle exploite, comme cette conscience se s’était aucunement réveillée encore au sein du prolétariat lui-même, la bourgeoisie, représentée, dans cette lutte contre l’Église et l’État, par ses plus nobles esprits et par ses plus grands caractères, crut de bonne foi qu’elle travaillait également pour l’émancipation de tout le monde.

Les deux siècles qui séparent les luttes de la Réformation religieuse de celles de la grande Révolution furent l’âge héroïque de la classe bourgeoise. Devenue puissante par la richesse et par l’intelligence, elle attaqua audacieusement toutes les institutions respectées de l’Église et de |13 l’État. Elle sapa tout, d’abord, par la littérature et par la critique philosophique ; plus tard, elle renversa tout par la révolte ouverte. C’est elle qui fit la révolution de 1789 et de 1793. Sans doute elle ne put la faire qu’en se servant de la force populaire ; mais ce