Page:Bakounine - Œuvres t5.djvu/328

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ment de ces millions de travailleurs qui se voient aujourd’hui écrasés par la prospérité insolente et inique de cette classe ?

Ah ! c’est que cette Révolution n’a été qu’une révolution politique. Elle avait audacieusement renversé toutes les barrières, toutes les tyrannies politiques mais elle avait laissé intactes — elle avait même proclamé sacrées et inviolables — les bases économiques de la société, qui ont été la source éternelle, le fondement principal |2 de toutes les iniquités politiques et sociales, de toutes les absurdités religieuses passées et présentes. Elle avait proclamé la liberté de chacun et de tous, ou plutôt elle avait proclamé le droit d’être libre pour chacun et pour tous.

Mais elle n’avait donné réellement les moyens de réaliser cette liberté et d’en jouir qu’aux propriétaires, aux capitalistes, aux riches.

La pauvreté, c’est l’esclavage !

Voilà les terribles paroles que de sa voix sympathique, partant de l’expérience et du cœur, notre ami Clément[1], nous a répétées plusieurs fois depuis les quelques jours que j’ai le bonheur de passer au milieu de vous, chers compagnons et amis.

Oui, la pauvreté c’est l’esclavage, c’est la nécessité de vendre son travail, et avec son travail sa personne, au capitaliste qui vous donne le moyen de ne

  1. Sylvain Clément, photographe à Saint-Imier, est l’auteur d’une photographie de Bakounine faite en mai 1871, et qui est devenue populaire dans les Montagnes jurassiennes.