Page:Bakounine - Œuvres t5.djvu/331

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l’écrivain le plus malfaisant du siècle passé, le sophiste qui a inspiré tous les révolutionnaires bourgeois, cette théorie dénote une ignorance complète tant de la nature que de l’histoire. Ce n’est pas dans le passé, ni même dans le présent, que nous devons chercher la liberté des masses, c’est dans l’avenir, — dans un prochain avenir : c’est dans cette journée de demain que nous devons créer nous-mêmes, par la puissance de notre pensée, de notre volonté, mais aussi par celle de nos bras. Derrière nous, il n’y a jamais eu de libre contrat, il n’y a eu que brutalité, stupidité, iniquité et violence, — et aujourd’hui encore, |5 vous ne le savez que trop bien, ce soi-disant libre contrat s’appelle le pacte de la faim, l’esclavage de la faim pour les masses et l’exploitation de la faim pour les minorités qui nous dévorent et nous oppriment.

La théorie du libre contrat est également fausse au point de vue de la nature. L’homme ne crée pas volontairement la société : il y naît involontairement. Il est par excellence un animal social. Il ne peut devenir un homme, c’est-à-dire un animal pensant, parlant, aimant et voulant, qu’en société. Imaginez-vous l’homme doué par la nature des facultés les plus géniales, jeté dès son bas âge en dehors de toute société humaine, dans un désert. S’il ne périt pas misérablement, ce qui le plus probable, il ne sera rien qu’une brute, un singe, privé de parole et de pensée, — car la pensée est inséparable de la parole ; aucun ne peut penser sans le langage.