Page:Bakounine - Œuvres t5.djvu/340

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lopper au possible ses pauvres facultés : il sera un exploiteur du travail, le maître, le patron, le législateur, le gouverneur, — un Monsieur. Tout bête qu’il soit, il fera des lois pour le peuple, contre le peuple, et il gouvernera les masses populaires.

Dans un État démocratique, dira-t-on, le peuple ne choisira que les bons. — Mais comment reconnaîtra-t-il les bons ? il n’a ni l’instruction nécessaire pour juger le bon et le mauvais, ni le loisir nécessaire pour apprendre à connaître les hommes qui se proposent à son élection. Ces hommes vivent d’ailleurs dans une société différente de la sienne : ils ne viennent tirer leur chapeau devant Sa Majesté le peuple souverain qu’au moment des élections, et, une fois élus, ils lui tournent le dos. D’ailleurs, appartenant à la classe privilégiée, à la classe exploitante, quelque excellents qu’ils soient comme membres de leurs familles et de leur société, ils seront toujours mauvais pour le peuple, parce que tout naturellement ils voudront toujours conserver ces privilèges qui constituent la base même de leur existence |14 sociale, et qui condamnent le peuple à un esclavage éternel.

Mais pourquoi le peuple n’enverrait-il pas dans les assemblées législatives et dans le gouvernement des hommes à lui, des hommes du peuple ? — D’abord, parce que les hommes du peuple, devant vivre du travail de leurs bras, n’ont pas le temps de se vouer exclusivement à la politique ; et, ne pouvant pas le faire, étant pour la plupart du temps igno-