Page:Bakounine - Œuvres t5.djvu/357

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vêtir un petit peuple de sauvages ; une grande nation ne devient riche et ne peut subsister que par le travail collectif, solidairement organisé. Le travail pour la production des richesses étant collectif, il semblerait logiquement, n’est-ce pas ? que la jouissance de ces richesses devrait l’être aussi. Eh bien, voilà ce que ne veut pas, ce que repousse avec haine l’économie bourgeoise. Elle veut la jouissance isolée des individus. Mais de quels individus ? Serait-ce de tous ? Oh, non ! Elle veut la jouissance des forts, des intelligents, des habiles, des heureux. Ah ! oui, des heureux surtout. Car dans son organisation sociale, et conformément à cette loi d’héritage qui en est le fondement principal, il naît une minorité d’individus plus ou moins riches, heureux, et des millions d’être humains déshérités, malheureux. Puis la société bourgeoise dit à tous ces individus : Luttez, disputez-vous le prix, le bien-être, la richesse, la puissance publique. Les vainqueurs seront heureux. Y a-t-il au moins égalité dans cette lutte fratricide ? Non, pas du tout. Les uns, le petit nombre, sont armés de pied en cap, forts de leur instruction et de |14 leur richesse héritées, et les millions d’hommes du peuple se présentent dans l’arène presque nus, avec leur ignorance et leur misère également héritées. Quel est le résultat nécessaire de cette concurrence soi-disant libre ? Le peuple succombe, la bourgeoisie triomphe, et le prolétariat enchaîné est forcé de travailler comme un forçat pour son éternel vainqueur le bourgeois.