Page:Bakounine - Œuvres t5.djvu/38

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S’il peut être expliqué au point de vue historique, il ne peut être justifié du jour où la conscience humaine a admis les principes supérieurs qui le condamnent. Non, il n’y a point de lois qui puissent prévaloir contre la Justice. Un ordre prétendu, qui admet la souffrance comme condition de ce qu’on appelle la paix, n’est que le désordre, et il n’y a point de science économique, si profonde qu’elle se dise être, que ne réduise à néant la protestation du plus humble des travailleurs, réclamant avec le sentiment de son droit le bien-être, l’instruction et le loisir nécessaires à toute créature morale et intelligente.

La justice, en un mot, n’a qu’une base, une définition : l’égalité.

Mais nous ne pouvons arriver à ce qui doit être qu’en comptant avec ce qui est, je veux dire avec les conditions naturelles, et même actuelles, de la pensée et de l’action dans l’être humain. Avant d’agir, il faut connaître le terrain sur lequel on doit marcher ; la volonté est un grand levier, mais tout levier doit porter sur quelque chose.

D’un autre côté, qui revendique au nom de la justice doit l’observer. Les soutiens du droit, cause sacrée, doivent-ils imiter les actes de ceux qui, n’ayant en vue que des intérêts, y marchent par tous les moyens ?

Si la colère est facile à ceux qui souffrent, si leur impatience est légitime, ceux qui acceptent la noble tâche de répandre l’idée, de communiquer à d’autres leurs pensées, ont besoin de juger les choses d’un point de vue général, avec une réflexion