Page:Bakounine - Œuvres t5.djvu/41

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fiable, le progrès incessant de la pensée, il faut admettre que tel ou tel puisse honnêtement, et avec de bonnes raisons, avoir un point de vue qui n’est pas le nôtre.

Car tous les yeux ne voient pas de même manière. Nous-mêmes, nous avons changé. Nous pouvons nous modifier encore et nous devons même l’espérer, — à moins d’être absolument sûrs que nous possédons la science complète et la perfection absolue. Auquel cas même, l’indulgence nous serait encore commandée, et plus que jamais, une telle supériorité n’étant pas donnée à tout le monde.

Ce sont des attardés, je vous l’accorde ; eh bien ? Mais ils sont en route ; mais ils suivent le chemin que vous avez déjà parcouru. S’ils se traînent, s’ils se reposent, s’ils sont infirmes, les bourrer, est-ce le moyen de les faire marcher plus vite ? Laissons à nos bons gendarmes ces procédés.

Qu’on manque de tolérance pour les gens qui vous pillent, vous calomnient, vous emprisonnent, vous mitraillent, à la bonne heure. Ces gens-là sont bien nos ennemis, et le cas de légitime défense nous oblige à les combattre avec les armes qu’ils emploient eux-mêmes. Mais ceux qui adoptent le même but que nous, qui cherchent comme nous la justice dans l’égalité des conditions sociales pour tout être humain, ceux même qui, n’adoptant pas nettement ce but, y tendent en définitive, en s’efforçant d’élargir la vie commune, ceux-là, les combattre et les écarter parce que leurs moyens diffèrent des nôtres, c’est frapper sur nous-mêmes, combattre notre propre armée, jouer le jeu de nos ennemis.