Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/102

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tifique de l’histoire et de la politique de l’Europe occidentale et de la Russie.

En Russie, après 1860, cet édifice fut ébranlé par une nouvelle direction dans le domaine de la science, de même que par la désertion des slavophiles et leur passage définitif dans le camp des réactionnaires, de sorte que Herzen, avec ses théories de slavophile socialiste, se trouva isolé. Bakounine, lui, payait aussi son tribut au messianisme slavophile, mais à un degré beaucoup plus faible que Herzen.

Après l’échec de l’insurrection polonaise, en 1863-1864, Bakounine abandonna entièrement ces idées. Il ne conserva son irritation que contre les Allemands ou, pour parler son propre langage, contre les Juifs allemands, irritation entretenue chez lui par leurs polémiques hostiles d’un côté, et, de l’autre, par sa défiance contre le tempérament révolutionnaire des Allemands. Mais nous ne voyons pas chez lui l’idée de la supériorité des Slaves vis-à-vis le « germano-romain de l’Occident. » Bien au contraire, il se prononça nettement à ce sujet, en émettant l’avis que, dans la révolution sociale, l’Occident marcherait en avant de la Russie, et il fondait ses espérances surtout sur les peuples latins. Aussi, dans les cercles russes les plus avancés, cette doctrine du messianisme russe fut-elle entièrement abandonnée, à partir de 1870.

Quant au nom de père du nihilisme russe, qu’on prête à Bakounine, il faut observer en premier lieu, que le mouvement désigné par le mot « nihilisme » s’applique à beaucoup trop d’idées pour être exprimées en un seul mot. On voit souvent, par exemple,