Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/143

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vrai, éviter les reproches d’avoir de la présomption et une tendance à l’usurpation — pour cela il y a des ennemis et des jaloux — mais tu n’auras pas l’honneur d’une action audacieuse et franche. Tu as créé une force, une force formidable et cet honneur-là personne ne saura te le disputer. À présent, la question est de savoir comment tu useras de cette force ? Aujourd’hui, la Russie veut un guide pratique pour la conduire aux buts pratiques. La Cloche sera-t-elle, oui ou non, ce guide ? Si non, au bout de six mois, d’un an au plus tard, elle aura perdu toute son influence et sa raison d’être. Alors, cette force de Titan par toi créée s’effondrera à l’approche du premier blanc-bec venu, qui, à défaut de savoir penser comme toi, saura oser mieux que toi. Appelle-nous donc à l’action, Herzen, lève ton drapeau ! Fais-le flotter avec la prudence, la sagesse et le tact qui te sont propres, mais lève-le audacieusement. Alors, nous te suivrons, et vaillamment nous travaillerons avec toi.

Quand nous reverrons-nous ? Réponds-moi à cette lettre.


M. Bakounine.


Nota. — Dans les « Œuvres posthumes » de Herzen, on voit qu’il a été entraîné malgré lui dans le mouvement révolutionnaire polonais en 1862-1863. Il trouvait, d’un côté, que dans le programme polonais, le principe démocratique n’était pas assez nettement formulé, et d’autre part, que les Polonais avaient des prétentions non justifiées à leur droit historique sur les provinces qui ne sont pas polonaises, comme la Lithuanie, la Russie Blanche et l’Ukraine. Antérieurement, Bakounine, lui-même, n’était pas partisan de la politique séparatiste, et il ne croyait pas que cette politique put être utile à la Pologne elle-même. Mais, en 1862-1863, il s’en inspire et entraîne