Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/160

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il est vrai, un personnage important, mais notre cause a de l’importance et elle mérite bien que Herward se dérange quelque peu. S’il reste à Berlin ou à Posen, son temps n’est pas très précieux, car là-bas, on s’amuse plus à discuter qu’à agir. Je voudrais avoir une entrevue avec lui et me rendre après directement Kongresowka[1].

Si l’on veut de l’action, c’est le vrai moment d’agir. Ici le temps est vraiment précieux. Mais, avant de m’engager dans cette affaire, avant de m’embarquer, il faut que je m’entende avec les organisateurs, pour savoir, au moins, où je devrai aller ; à qui je devrai m’adresser ; où trouver les intermédiaires et quelles sont les stations d’arrêt sur la route à suivre. Si, en vue de ces négociations, ils m’envoient un idiot quelconque ou même, un délégué à moitié idiot, il n’y aura pas moyen de s’entendre avec lui. Oui, nous avons une tâche qui n’est pas facile à remplir. Il est vrai que l’insurrection est encore loin d’être écrasée, mais on ne peut pas dire non plus qu’elle fasse de grands progrès ; sans doute la diplomatie européenne travaille en sa faveur, et, peut-être, arrivera-t-elle à rendre quelque service à la malheureuse Pologne. Mais, d’un autre côté, les autorités russes ne sont pas endormies, nos soldats sont excités à un tel point qu’ils ont l’air de fauves enragés et ils provoquent ainsi une haine générale dans le pays, couvrant de honte toute la nation russe. Or, il n’est pas facile d’influencer ces soldats et de travailler pour leur bien. Nous devons cependant l’essayer. Seulement,

  1. Les cinq provinces de la Pologne qui, par le traité de Vienne, étaient restées sous la domination de la Russie et constituèrent le Royaume de la Pologne (Trad.).