Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/165

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marcher vers Gothland. Alors, une fois sortis du Sund, nous lui parlerions le revolver à la main et nous lui déclarerions qu’il payerait de sa vie s’il ne voulait pas remplir toutes ses promesses. Aussitôt arrivés à Gothland, notre intention était d’embarquer nos hommes sur deux bateaux de pêcheurs pour faire des reconnaissances. L’un de ces bateaux se dirigerait vers la côte russe, entre Polangen et Libau, l’autre vers la côte prussienne, entre Polangen et Memel ; de cette manière nous serions entrés en relations avec nos amis qui, sans aucun doute nous attendaient, et, coûte que coûte, avec l’aide desquels nous aurions pu mener à une bonne fin notre entreprise dont tout dépendait. Soit que le capitaine eût deviné notre plan, soit qu’il eût poursuivi le complot qu’il avait médité avec les agents russes, en Angleterre, au lieu d’aller à Gothland, il mouilla à Copenhague, sous prétexte de s’approvisionner d’eau, ce qu’il n’avait pas eu le temps de faire à Helsinborg où nous étions pourtant restés quatre jours ! Il nous dit qu’il ne lui fallait pas plus de deux heures et il descendit lui-même à terre. Nous attendîmes toute la soirée, toute la nuit son retour. Et le lendemain, dimanche, 29, il n’avait pas reparu. Sur l’instance de mes amis, je me présentai chez le directeur de « Vaterland et Ploug » à Copenhague, et sur son avis, je me rendis chez le ministre anglais Sir Paget, un gentleman accompli, qui me témoigna beaucoup de sympathie. Il prit immédiatement des mesures officieuses, seul moyen qu’il eût à sa portée. Dès la veille, ce lâche capitaine s’était présenté chez lui ; en nous calomniant, il essaya de lui persuader que nous étions des barbares, des brigands, que, par notre rudesse et notre violence nous avions excité la noble indignation de ses