Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/218

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prononcer sur la situation actuelle en Russie et sur la cause russe, je voudrais, et même il est indispensable pour moi de passer encore une fois en revue toutes ces questions et d’en discuter « à trois » avec vous.

Malgré la divergence apparente de nos opinions sur une masse de questions, bien entendu, dans les voies et non dans le but même, j’estime si hautement la profondeur de votre jugement, que je ne voudrais pas livrer mes idées à la publicité avant de les soumettre au contrôle de votre pensée. Et cela ne peut se faire que verbalement.

Entre gens malhonnêtes, l’écrit vaut toujours mieux, on peut s’y appuyer : ce qui est fait par la plume ne peut être taillé par la hache[1]. Mais entre nous, qui avons des sentiments loyaux et qui sommes dépourvus de toute ambition, il est préférable d’exposer nos opinions oralement. Donc, laissons cela jusqu’en juin.

L’Italie unifiée se défait. L’opposition contre le gouvernement s’accentue de plus en plus dans toutes les provinces. Le déficit, la crainte de nouveaux impôts, la baisse des fonds, l’oppression et les chicanes de la bureaucratie, l’arrêt dans toutes les affaires, tout cela réuni provoque, enfin, une irritation dans la population et excite même les plus indifférents, les plus apathiques. On ne voit d’autre issue que la guerre. Il paraît que la France présente actuellement le même aspect. On tente de nouveaux efforts pour produire une agitation dans le peuple italien, en l’excitant par des fadaises patriotiques. Je crains que Garibaldi ne se laisse séduire pour la dixième fois encore et ne devienne, dans les mains de qui vous savez, un instru-

  1. Proverbe russe (Trad.).