Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/225

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persistez dans l’espoir de le rendre meilleur. Je pense, au contraire, que si vous ou moi, nous dussions entrer dans son rôle et que nous fussions astreints d’y rester pendant une ou deux années, nous nous abrutirions comme lui. Vous affirmez que le gouvernement russe, étant donnée sa position actuelle, serait à même de faire des prodiges « dans le plus ou dans le moins » (la Cloche, 15 décembre 1845, p. 1718) et moi, je suis fermement convaincu qu’il ne peut être fort que dans le moins et qu’aucune sorte de plus ne lui est accessible. Vous reprochez à vos amis et patriotes officiels d’aujourd’hui, d’être devenus des bourreaux ou des mouchards ; il me semble, au contraire, que quiconque veut la conservation de l’intégrité de l’empire russe, ne doit pas hésiter à se ranger du côté de Mouravieff qui en est le digne représentant, — le Robespierre et le Saint-Just de l’État de toutes les Russies ; car, désirer l’intégrité de cet État et rejeter en même temps la mouravieffstchina (politique de Mouravieff) serait avouer une faiblesse qui n’a pas d’excuse. Dans les deux partis qui divisaient les décabristes on voit plus de logique et de précision.

Tandis que Iakouchkine voulait assassiner Alexandre Ier pour l’unique raison qu’il avait eu l’idée de l’unification de la Lithuanie avec la Pologne, Pestel proclamait audacieusement la destruction de l’empire lui-même, la fédération libre des peuples qui lui sont assujettis et la révolution sociale. Il eut plus de courage que vous, car il ne se laissa pas intimider par les cris furieux de ses camarades et de ses amis qui avaient participé au complot, mais qui, quoique animés de sentiments nobles et généreux, suivirent aveuglément le programme de l’organisation du Nord à