Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/228

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expressions qui visent juste et qui désavouent formellement l’État en général ; mais en même temps, tu peux espérer des prodiges que le gouvernement russe serait à même de faire « dans le plus », tu parles d’un « empereur qui, en reniant le système de Pierre le Grand, saura, peut-être, réunir en sa personne le tzar et le Stenka Razine ». Mon cher Herzen, mais c’est là une absurdité, et vraiment, je ne conçois pas comment cette idée bizarre a pu prendre naissance dans ton esprit, et en s’échappant de ton cerveau, passer sous ta plume !

Tu m’objecteras, peut-être que j’ai affirmé semblable idée dans ma brochure La Cause populaire ? — Eh bien, ce n’est pas du tout la même chose. Ne voulant pas me déclarer, contrairement à votre programme, socialiste révolutionnaire, (vous n’avez pas oublié nos discussions fougueuses à ce sujet), dans ma brochure, je m’adressai au tzar dans un but tout à fait différent et même avec une arrière-pensée. Car, dès lors déjà j’étais convaincu, comme je le suis encore aujourd’hui, que son rôle est absolument incompatible avec notre propagande de la « Terre et Liberté », mais comme il m’était impossible de démontrer cette inconséquence positivement, je me suis efforcé de l’exposer sous une forme négative. Lorsque j’invitai Alexandre Nicolaevitch à se déclarer le tzar du peuple et des zemstvos, à abolir les classes, à supprimer la bureaucratie dans l’ordre civil et militaire aussi bien que dans l’ordre religieux, à décentraliser l’État, en reconnaissant en même temps la volonté souveraine du peuple et en lui abandonnant la terre ; enfin, d’émanciper toutes les provinces assujetties, qui ne voudraient pas être liées à la Grande-Russie, je l’appelai sciemment à détruire de