Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/264

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reconnaître à leurs auteurs un droit à l’estime, que je ne peux leur accorder.

Je ne trouve pas plus nécessaire de répondre au nom du public russe. Tu as dit ceci : « Les gens honnêtes n’y prêteront pas foi et les autres nous importent peu. »

Personne ne sait mieux que la police russe, que jamais il n’y eut de complot entre nous et que, ni toi, ni moi, nous ne nous sommes occupés d’incendier des maisons, ni de fabriquer des billets de banque. Mais que la police ait réussi à persuader de cette absurdité le très peu vaillant et le très peu perspicace monarque, ceci est l’affaire de Sa Majesté, à laquelle nous n’avons rien à voir ; cela tient à sa remarquable bonhomie qui, vraiment, n’a pas de limite. Il l’a cru, comme il pouvait croire et comme il le croit très sérieusement, en ce moment encore, qu’après avoir assassiné pendant les cinq dernières années dix fois autant d’hommes que ne l’avait fait son inflexible père, durant tout un long règne de trente-deux ans, qu’il est le monarque le plus vaillant, le « petit père », le bienfaiteur et le libérateur du peuple russe !

Si la police avait eu l’idée de lui persuader que nous avions l’intention de voler la cloche Ivan ou le canon-tzar[1], il le croirait tout de même.

Mais, dans sa réponse, M. Aksakoff touche à une autre question, celle de la part incombant à chacun de nous deux, dans l’affaire polonaise. Je crois de mon devoir de dire quelques mots à ce sujet, pour éclaircir la chose, non pas aux yeux de M. Aksakoff qui ne m’intéresse pas le moins du monde, mais aux yeux

  1. Comptant parmi les curiosités de Moscou à cause de leurs gigantesques dimensions (Trad.).