Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/299

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il exerce sur son parti une influence sage et présente le plus ferme appui du socialisme, la plus forte entrave contre l’envahissement des idées et des tendances bourgeoises. Et je ne me pardonnerais jamais, si j’avais seulement tenté d’effacer ou même d’affaiblir sa bienfaisante influence, dans le simple but de me venger de lui. Cependant, il pourrait arriver, et même dans un bref délai, que j’engageasse une lutte avec lui, non pas pour l’offense personnelle, bien entendu, mais pour une question de principe, à propos du communisme d’État, dont lui-même et les partis anglais et allemands qu’il dirige, sont les chaleureux partisans. Alors, ce sera une lutte à mort. Mais il y a un temps pour tout et l’heure pour cette lutte n’a pas encore sonné.

Enfin, j’ai épargné mon adversaire, aussi par un calcul de tactique, par politique personnelle, pour ainsi dire. Comment ne vois-tu pas, que tous ces messieurs qui sont nos ennemis forment une phalange qu’il est indispensable de désunir, et de fractionner afin de pouvoir la mettre plus facilement en déroute ? Tu es plus docte que moi, donc tu sais mieux, qui, le premier, avait pour principe : Divide et impera. Si à l’heure qu’il est j’avais entrepris une guerre ouverte contre Marx lui-même, les trois quarts des membres de l’Internationale se seraient tournés contre moi et je serais en désavantage, j’aurais perdu le terrain sur lequel justement je dois me tenir. Mais en m’engageant dans cette guerre par une attaque dirigée contre la gueusaille dont il est entouré, j’aurai pour moi la majorité. De plus, Marx lui-même, qui est plein de cette joie malicieuse, — Schadenfreude, que tu lui connais bien, sera très content de voir ses amis mis dans le sac. Mais, si je me trompe, dans