Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/303

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bourgeois et la terre ouvrière, c’est pourquoi il s’attache tant à faire des protestations libéralement satiriques contre ce ciel.

Je suis content que V… qui t’amuse tant, ait pu me faire apprécier par Lise. C’est dommage que Botkine soit mort ; on ne pourra plus cracher sur la mémoire que ce chauve débauché a laissée après lui.

Je serre cordialement la main à Natalia Alexéevna.



LETTRE DE BAKOUNINE À OGAREFF


16 novembre 1869.


Mon cher Ogareff,


J’ai reçu le livre de Comte, aussi tes deux lettres, auxquelles je réponds à la fois. Tu as tort, mon ami, de te laisser aller à l’abattement ; en fouillant sans cesse dans ton âme, tu y trouves de vilaines choses. Il n’y a pas de doute, que chacun de nous, sans exception, qui voudrait fouiller ainsi son passé, y trouverait une masse de faits, dont il aurait à s’accuser. Tout homme frisant sa cinquantaine peut répéter avec un soupir de repentir, ce dicton russe :

« Où est celui qui n’a pas offensé Dieu et outragé le tzar ! »

Mais pourquoi s’abandonner à ces fouilles inutiles dans son passé ? pourquoi scruter ainsi son âme ? Cela encore est une occupation égoïste et tout à fait oiseuse. Il est bon de faire pénitence quand cela peut servir à changer quelque chose ou à amener quelque utile correction. Dans le cas contraire, elle est, non seulement vaine, mais encore nuisible. On ne peut refaire son passé. Et ce n’est pas sur ce passé que