Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/306

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les autres. Cependant, il a de l’esprit, il saisit rapidement et comprend bien les choses. C’est une nature au plus haut point artistique ; réchauffe-le sur ton cœur et attache-le toi autant que possible. Fais en sorte de le rallier à nous, de manière qu’il nous appartienne de tout son être. Ce sera utile et c’est très possible. Pour cela, sans jamais lui confier de grand secret, fais-lui part de quelque chose de peu d’importance réelle, mais qui en ait l’apparence, comme par exemple, que je me trouve actuellement à Lugano ; confie-lui ce secret en lui disant que je t’ai autorisé à le lui communiquer, mais en le priant de n’en souffler mot à personne, à part sa femme Adia. D’ailleurs, je t’assure que c’est l’unique femme parmi toutes celles que je connais, que je n’aurais pas hésité un moment d’initier à une affaire des plus secrètes. Elle est intelligente, très intelligente même ; elle a les sentiments nobles d’un Don Quichotte, avec cela elle est taciturne et fidèle, enfin, très peu démonstrative. C’est un caractère tout à fait opposé à celui de sa sœur ; de plus, c’est une personne charmante et très spirituelle qui, avec son esprit observateur voit tout, remarque tout, prend notion de tout, et au fond de son cœur, se moque de tout. Seule, elle a su résister au prestige d’Outine qui a pu se créer une sorte de harem (au sens moral, s’entend) composé de toutes les femmes russes à Genève, au milieu desquelles il se pavane comme un coq ; un coq phrasant sur la révolution, jouant à la dictature.

Il est absolument nécessaire de réduire cet Outine à néant. Très intrigant et plein d’amour-propre, il se mêle de tout et partout met des entraves. Cependant, il a de l’argent et l’élément féminin est pour lui.

En t’attirant Joukovski, tu sauras tout ce qui se