Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/38

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« Bakounine s’adonna corps et âme au mouvement intellectuel en Allemagne de 1830-1840, et durant les années suivantes ; après avoir, à Berlin, appris à connaître la philosophie de Hegel, il s’est emparé encore de la dialectique vivante, cette âme créatrice de tout l’univers. Il me rendit une visite à Dresde, où je publiais les « Deutsche Jahrbücher ». Nous nous entendîmes sur l’extension pratique des théories abstraites et sur la révolution prochaine. Nous avons contracté un pacte d’amitié et je lui prêtai loyalement assistance lorsqu’il s’attira les soupçons de la diplomatie russe et qu’il compromit sa sécurité à Dresde.

« Cela lui fût arrivé plus tôt, d’ailleurs, s’il n’avait pas pris le pseudonyme de Jules Élizard, en publiant dans les « Jahrbücher » son article intitulé : « La réaction en Allemagne ». Car, cet article, qui remplit une vingtaine de colonnes dans les numéros d’octobre, 1842, révélait déjà Bakounine tout entier, jusqu’au Bakounine social-démocrate, bien que ce travail se présentât au public sous forme de pure étude philosophique, qui, peut-être, n’était pas très courante à l’ambassade russe de Dresde, non plus qu’ailleurs.

« La dialectique puissante et la franchise avec laquelle le jeune Russe annonçait l’anéantissement de toute cette pourriture, n’étaient, à cette époque, vraiment, possibles que sous une forme scientifique, incompréhensible, d’ailleurs, pour le censeur lui-même. Aujourd’hui encore nous sommes saisis d’étonnement en relisant cet article, bien que cet exposé nous apparaisse à la lumière des grands événements de notre époque.