Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/387

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servir, en raison de cela et sur ce terrain je suis toujours prêt à te tendre la main.

Tu te prépares maintenant à faire un pas décisif dont devra dépendre tout ton avenir et, ce qu’il y a de plus important encore, ta carrière révolutionnaire. Permets au vieux que je suis, de te dire quelques paroles vraies qui, probablement seront les dernières.

Fais un effort sur toi-même pour apporter dans tes relations avec les hommes nouveaux avec lesquels tu trouveras utile et possible de te lier, toute la vérité, toute la sincérité et toute l’affection dont ta nature, peu prodigue est capable. Veux-tu comprendre, enfin, que sur le mensonge jésuitique, on ne peut bâtir rien de solide, ni de vivace ; que ce n’est pas sur les passions viles et basses que doit s’appuyer l’action révolutionnaire et que jamais la Révolution ne saurait être triomphante si elle n’avait pour but un idéal élevé, humain, bien entendu. Dans ce sens et dans cette direction je te souhaite un succès complet.


M. Bakounine.


(D’après une copie transmise personnellement par Bakounine à A. W. W. Nous avons vu encore une autre copie de cette lettre. Il paraît que Bakounine s’appliquait à les répandre dans un certain milieu) (Drag.).

Nota. — Par ces paroles qui terminent sa lettre, Bakounine renonce presque à tous les principes qu’il avait prêchés et aux moyens qu’il avait pratiqués dans ses actes révolutionnaires ; non seulement au machiavélisme, auquel lui aussi, ne fut pas tout à fait étranger, à en juger d’après quelques-unes de ses lettres ci-dessus publiées, mais encore à sa foi aux criminels de droit commun (brigands et assassins qu’il considérait comme autant de révolutionnaires à leur manière, capables de servir la cause de la révolution sociale, qui ne sera triomphante que lorsque toutes les « mauvaises passions