Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/76

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cutions nombreuses qu’il ordonna. Certes, il y avait fermentation et tension des esprits, mais personne alors ne pouvait prévoir que cette surexcitation serait poussée jusqu’à un patriotisme féroce.

« Sans s’arrêter plus longtemps sur tous ces faits et sans peser toutes les circonstances, Bakounine n’avait en vue qu’un but encore éloigné, prenant le deuxième mois de la gestation pour le neuvième. Il se laissa entraîner, ne voyant les choses que comme lui-même les aurait désirées, sans se préoccuper des obstacles essentiels. Il voulait croire, et il croyait, en effet, que sur le Volga, sur le Don et dans toute l’Ukraine, le peuple se lèverait comme un seul homme, dès que les bruits de Varsovie seraient parvenus jusqu’à lui. Il croyait que le raskoulik (vieux-croyant) profiterait du mouvement catholique pour se faire sanctionner…

« … Bakounine haussa les épaules et se dirigea vers la chambre d’Ogareff. Je vis qu’il traversait sa crise de fièvre révolutionnaire et qu’il n’y aurait pas moyen de s’entendre avec lui.

« Avec des bottes de sept lieues, il marchait à travers les monts et les mers, à travers les années et les générations. Et, au-delà de l’insurrection de Varsovie, il entrevoyait déjà sa « belle Fédération slave », dont les Polonais ne parlaient pourtant qu’avec une sorte d’horreur et de répugnance. Il voyait déjà le drapeau rouge de la « Terre et Liberté » flotter dans l’Oural et sur le Volga, en Ukraine et au Caucase, et peut-être même sur le fronton du Palais d’Hiver, et jusque sur la porte de la forteresse des Saints-Pierre-et-Paul. Et il s’empressait de toutes manières d’aplanir les difficul-