Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/81

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procha de moi et, me serrant la main, me demanda sur un ton semi-mystérieux, si j’étais franc-maçon. Je répondis que je ne l’étais pas et ne voudrais pas l’être, car j’ai une répugnance invincible contre toutes les sociétés secrètes… Bakounine me dit que j’avais parfaitement raison, que lui-même n’était pas très épris de la franc-maçonnerie, mais, que, cependant, elle donnait le moyen de préparer quelque autre chose. Après cela il me demanda si j’étais mazzinien ou républicain ? Je lui répliquai que ce n’était pas dans mes habitudes de suivre sur les pas d’autrui, quelque grand qu’il fût, que je pourrais bien être républicain sans être pour cela mazzinien, bien que je reconnusse les grands services que ce citoyen avait rendus à la liberté. Quant à la république, ce mot me paraît vide de sens, au moins pour le moment il ne signifie rien. Il existe des républiques aristocratiques comme des monarchies démocratiques. Mais, en Italie, actuellement, ce n’est pas le régime monarchique qui est en vigueur, c’est un ordre de choses bureaucratique qui ne peut que dégoûter. Ce dont on a besoin, actuellement, c’est de liberté ; c’est de la possibilité de réorganiser la société dans un sens d’égalité non seulement devant la loi, mais encore devant la question du pain, question qui n’a pas la même portée pour tout le monde, attendu que les uns vivent dans l’opulence regorgeant de superflu, tandis que les autres souffrent de la misère.

« À ces paroles, Bakounine me serra la main fortement et me dit : « Vous êtes donc des nôtres ; car, nous autres, nous nous occupons de ces choses-là ; il